Immobilier : Caen, Grenoble, Toulon… Ces (rares) villes qui connaissent un beau printemps
Si les prix ont cessé leur recul en France en mai, la reprise d’activité habituelle au printemps n’est pas vraiment au rendez-vous cette année. « Même le printemps 2022, pourtant poussif, avait fait mieux avec une hausse des prix de 2,6 % pour la France entière, + 2,9 % pour les villes du Top 50 et + 2,2 % pour les zones rurales », compare Thomas Lefebvre, directeur scientifique chez Meilleurs Agents, à l’origine de ces données mensuelles. À 3 175 euros, le prix moyen du mètre carré en France n’a pas bougé en mai, signe que le marché de la transaction n’a pas rebondi comme espéré après un hiver toujours très calme dans le secteur.
Le printemps, période propice aux déménagements familiaux, n’a tenu ses promesses que par endroits. Les zones rurales restent demandées et ont vu leurs tarifs augmenter légèrement, + 0,8 % le mois dernier, contre + 0,3 % pour les communes du Top 50. C’est si faible qu’il s’agit plutôt d’une stabilisation des prix. Il faut agrandir la focale et regarder au niveau des villes moyennes pour en trouver quelques-unes qui tirent leur épingle de ce printemps maussade.
« On observe une forte dichotomie entre les villes en mai, ajoute l’expert. Paris, Lyon, Bordeaux continuent de voir leurs prix baisser, elles ont atteint un plafond de verre et je ne vois pas d’amélioration cette année avec des taux d’intérêt attendus supérieurs à 4 % (hors assurance et frais de dossier) au second semestre. » À l’inverse, « des villes moyennes où le pouvoir d’achat est moins contraint continuent d’enregistrer des hausses de prix », explique-t-il.
Des achats cash
Ces trois derniers mois, quatre communes affichent une progression de leurs tarifs supérieure à 4 % : Toulon (Var) à 3 170 euros/m2 en moyenne, soit + 4,5 % ; Caen (Calvados) à 2 959 euros/m2, soit + 4,3 %, Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) à 5 311 euros/m2, soit + 4,3 % ; et Grenoble (Isère) à 2 999 euros/m2, soit + 4,1 %. Elles sont suivies par Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) à 2 224 euros/m2, soit + 3,7 %, et Mulhouse (Haut-Rhin) à 1 375 euros/m2, soit + 3,1 %.
À Caen, la hausse atteint 5,4 % en un an. « Les prix ne baissent pas, confirme Alexandre Mabardi, responsable de l’agence immobilière Alexandre Immobilier. Mais notre activité ralentit et nous n’avons plus les mêmes profils d’acheteurs même si le télétravail continue de créer la demande. On voit des acheteurs qui cherchent à placer une partie de leur argent dans la pierre car ils n’ont pas confiance dans les banques, et aussi des jeunes qui achètent cash grâce à l’héritage de leurs grands-parents… Les parents, déjà bien installés, font sauter une génération pour que leurs enfants en profitent », explique-t-il.
Les belles demeures sont toujours très demandées. L’agent vient de vendre une maison bourgeoise de 250 m2 pour 1,2 million d’euros (4 800 euros/m2) dans le Nice caennais, un quartier de la ville, en deux semaines. Une autre de 270 m2 située sur la côte de Nacre, 840 000 euros (3 111 euros/m2) dans les mêmes délais. Ses craintes ? « Beaucoup de transactions ont été réalisées ces dernières années, il devient difficile de retrouver un bien après avoir vendu, et la hausse des taux d’intérêt grippe le marché, emprunter est devenu trop compliqué. »
Un rééquilibrage des prix entamé à Grenoble…
Située dans le Top 4, Grenoble connaît un tout autre printemps. « Nous avons réalisé 10 % de chiffre d’affaires en plus par rapport au printemps 2022, raconte Michaël Aumond, gérant de l’agence Century 21 Victor Hugo. Mais cette petite recrudescence de business s’explique plus par le fait que des vendeurs qui n’arrivent pas à vendre se tournent vers nous. Le marché, lui, est déjà en plein rééquilibrage avec un recul du volume des transactions de 15 % à 20 % et une baisse des prix de 5 % à 7 % », affirme-t-il, contestant pour sa part toute hausse.
Une maison de 175 m2 (+ 800 m2 de terrain) à Seyssins (Isère) qu’il recommercialise vient de recevoir une offre d’achat à 580 000 euros (3 314 euros/m2) alors qu’elle était à la vente bien plus cher chez la concurrence. Selon le professionnel, le flux d’acquéreurs varie selon la taille du logement recherché et son quartier. « En centre-ville de Grenoble, dans le très demandé triangle d’or entre les boulevards Édouard-Rey, Gambetta et la place Victor-Hugo, on n’enregistre aucune baisse ni hausse des prix alors que les quartiers Europole et Saint-Bruno baissent de 10 %, et les acheteurs craignent d’y acheter et de perdre de l’argent », détaille-t-il.
…et imminent à Perpignan
À Perpignan où les prix ont le plus fortement grimpé en un an (+ 9,8 % à 2072euros/m2), le marché connaît « une petite reprise au printemps », selon Jonathan Nicolas, associé gérant de l’agence l’Adresse. Mais sans commune mesure avec les précédents. « C’est rageant de se dire qu’à la même période, en 2019 et 2020, on enregistrait trois fois plus de chiffre d’affaires, mais il faut rester positif, le marché est cyclique, la tempête va passer et l’activité reviendra », confie-t-il, qualifiant ce printemps de « correct mais moins folichon : dès qu’on dépasse les 200 000 euros, les transactions se font plus rares ».
Ce que confirme son collègue, Rémi Le Digol, associé gérant des agences LDJ Immobilier : « Les acquéreurs sont très présents mais avec des budgets inférieurs aux attentes des vendeurs, dont beaucoup continuent de vouloir des prix trop élevés alors qu’on n’est plus dans le même marché qu’il y a neuf mois… Le marché reste dynamique, mais il va falloir revoir les prix à la baisse », prévient-il, certain que la correction est imminente.